Comment fabriquer un pigment-laque ?

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C'est quoi un pigment-laque ?

Le pigment-laque, également appelé pigment laqué, est un pigment organique obtenu par la précipitation d’un colorant d’origine animale, végétale ou artificielle sur un support minéral neutre. Le terme « pigment-laque » est dérivé de « lacca », un mot italien qui désigne à la fois la gomme-laque et la source du colorant carmin.

Les pigments laqués sont considérés comme les plus anciens pigments organiques connus et ont été utilisés depuis l’Antiquité en précipitant des colorants d’origine végétale ou animale sur de la craie.

Les pigments laqués jouissent souvent d’une mauvaise réputation. Ils offrent généralement des couleurs éclatantes et transparentes. Cependant, la fugacité de certains pigments était un problème connu des peintres qui les utilisaient. Les anciens étaient conscients de ce problème mais se servaient des laques pour raviver des couleurs minérales plus fades, mais permanentes. Ils avaient compris que si la couleur laque disparaissait sous l’effet de la lumière, la couleur minérale, elle, restait inaltérable.

L’intérêt des pigments laqués peut sembler remis en question s’ils ne perdurent pas dans le temps, mais il convient de relativiser cet inconvénient en sachant que de nombreux végétaux offrent une résistance aux intempéries tout à fait honorable. On peut notamment citer l’indigo, la garance, le kermès, la cochenille, la gaude, l’isatis tinctoria, le carthame, la sarriette, le genêt, le châtaignier, le chêne et le noyer.

Avant de commencer

Le fait qu’un ingrédient soit naturel ne signifie pas nécessairement qu’il est sûr ou non toxique. Cette recette inclut de l’alun de potassium qui, bien que naturel, est sujet à controverse et il est important d’en être conscient. Par conséquent, il est recommandé d’utiliser des gants et un masque facial lors de l’extraction des pigments.

Il faut tenir en compte que la quantité de pigments peut-être aléatoire suivant les végétaux. 

Cette recette ne fonctionne pas avec l’indigo ni la garance qui doivent suivre un autre processus.

beffroi-revel
Dessin réalisé à l'aquarelle de Pastel

La recette

1 semaine

Facile

Bon marché

  • Parties tinctoreales d’un végétal ou animal
  • ~ 15 g de blanc de meudon (ou autre carbonate de calcium) – Il est aussi possible d’utiliser des cristaux de soude (carbonate de sodium)
  • ~ 30 g de alun de potasse
  • Eau déminéralisée

- Extraction des colorants -

1. Collecter le colorant.

Dans le cas des végétaux, tous les colorants ne sont pas obtenus à partir des mêmes parties de la plante, il est donc nécessaire de savoir quelle partie de la plante contient la plus grande concentration de matière colorante.

 

2. Extraction du colorant

La méthode d’extraction du colorant varie selon la partie de la plante utilisée. En règle général, je suis ces étapes:

  • Pour les pétales des fleurs, qui sont les parties les plus fragiles, je les laisse macérer pendant au moins 4 heures dans une casserole et je les chauffe à feu doux pendant une dizaine de minutes
  • Pour les feuilles, je les place dans une casserole avec de l’eau froide que je fais chauffer à 90°c pendant au moins 40 minutes, puis je laisse infuser minimum 24 heures.
  • Pour les parties dures comme les troncs et les branches, je les fais bouillir entre 40 minutes et 2 heures pour extraire le maximum de colorant (en rajoutant de l’eau si nécessaire), puis je les laisse refroidir.

Il est toujours préférable d’utiliser de l’eau déminéralisée.

 

3. Filtration

Une fois que vous avez obtenu un liquide coloré, filtrez à travers un filtre en tissu (ou un chiffon propre posé dans une passoire), en utilisant un récipient adapté à la quantité de liquide obtenue.

Le jus ne doit pas contenir de parties de la plante !

- L'extraction des pigments -

Étape 1

Réservez un litre de jus obtenu dans un récipient transparent.

Étape 2

Mélangez l’alun de potasse et 10 cl d’eau dans une casserole.

Chauffez lentement jusqu’à ce que l’alun de potasse soit complètement dissout.

Étape 3

Versez l’alun de potasse dilué dans le jus préalablement réservé et remuez.

Étape 4

Versez lentement le carbonate de calcium dans la préparation précédente.

Étape 5

REMUEZ LA PRÉPARATION LENTEMENT, car une réaction chimique va se produire formant une mousse dense. Bien que cela indique que la recette fonctionne, il faut faire attention à ne pas faire déborder le récipient.

Étape 6

Laissez reposer le mélange pendant 24 heures. Un précipité va se former et se déposer au fond du récipient. Il s’agit du  pigment hydraté.

Étape 7

Versez l’eau colorée qui est au-dessus du pigment hydraté dans un autre récipient.

Prenez soin de ne pas verser le pigment hydraté qui s’est formée lors de l’étape précédente dans ce récipient.

Cette eau colorée peut être réutilisée pour refaire du pigment, qui, cette fois-ci, sera beaucoup plus clair.

Évitez de rejeter cette eau dans la nature. L’idéal serait de la laisser s’évaporer seule.

Étape 8

Préparez une bouteille avec un entonnoir et placez-y un filtre à café à l’intérieur.

Versez-y le reste du contenu présent dans le récipient transparent (soit le pigment hydraté).

Laissez filtrer 24 heures.

On obtient une pâte de couleur à l’intérieur du filtre.

De manière similaire à l’étape précédente, on peut laisser l’eau s’évaporer et parfois récupérer un peu d’alun au fond du récipient.

Étape 9

Étalez la pâte sur une assiette en céramique et laissez-la sécher complètement.

Cette étape peut prendre jusqu’à une semaine.

Il est possible d’accélérer le processus en faisant sécher le pigment au micro-ondes. On commence par le chauffer pendant 3 minutes, puis on répète l’opération plusieurs fois en diminuant progressivement le temps de cuisson, en vérifiant à chaque fois que le pigment ne brûle pas, jusqu’à ce qu’il soit complètement sec.

Il est normal que la couleur s’éclaircisse considérablement en séchant (quand le pigment sera mélangé à un liant il retrouvera sa couleur du début).

Étape 10

À l’aide d’une spatule, récupérez le pigment et le stocker dans un pot avec un couvercle.

Et voilà ! Nous avons notre pigment prêt à être utilisé pour créer notre propre peinture.

À NOTER :

 

N’utilisez pas d’ustensiles en fer dans cette recette (à moins que vous souhaitiez obtenir une teinte plus sombre).

Vous pouvez retrouver les recettes de la laque de gaude et de la laque de garance, dans lesquelles je traite plus spécifiquement de ces plantes.

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Voici une vidéo dans laquelle je vous montre comment extraire les pigments des fanes de carotte :

dispersion-pigments
Play Video about dispersion-pigments

9 thoughts on “Comment fabriquer des pigments naturels à partir de plantes?”

  1. Bonjour et merci pour toutes vos fiches c’est une vraie mine d’or. J’aimerais faire le processus de fabrication de pigments avec mon petit bout de 3 ans. J’essaie au maximum d’utiliser des éléments non toxiques pour la manipulation. J’ai beau faire des essais, impossible de trouver une alternative à l’alun, savez vous si un autre procédé avec un autre ingrédient pour précipiter existe? Merci d’avance Alexia

    1. Bonjour.

      Merci pour votre message. Je suis très content que mes fiches vous soient utiles.

      En ce qui concerne l’alun, je cherche également des alternatives à ce produit, et ce n’est pas chose simple. J’avais testé de le remplacer par du sel d’oseille, ça marche mais en revanche, les couleurs obtenues ne sont pas les mêmes qu’avec le sel d’alun. De plus, le sel d’oseille n’est pas non plus complètement inoffensif.

      Il y a des pistes que j’ai découvertes dernièrement mais que je n’ai pas encore testées.

      1. Il y aurait l’option d’utiliser des plantes riches en alumine naturellement, comme les symplocos. C’est une plante qui provient des forêts humides des régions tropicales à tempérées, elle est présente en Asie du Sud et de l’Est, mais également en Amérique du Sud (personnellement, ça me refroidit un peu de tester cette option à cause de l’impact environnemental, mais ce n’est que mon point de vue). On peut la trouver en boutique sur internet, c’est assez cher, mais si ça vous intéresse, je vous passe un lien : https://couleur-garance.com/boutique/droguerie/mordants/symplocos/.

      2. J’ai vu un artiste qui utilisait de l’argile de rivière riche en aluminium. Là aussi, je pense qu’il faut faire des recherches pour savoir où trouver de l’argile assez riche en aluminium pour que cela fonctionne.

      Sinon, vous pouvez aussi fabriquer des pigments d’indigo ! C’est une recette idéale à faire avec votre enfant car elle ne requiert pas d’alun et donne une couleur bleue que, personnellement, je trouve magnifique. J’ai mis la recette sur ce site.

      En tout cas, voilà l’état de mes recherches actuelles. Dès que j’aurai trouvé une solution de remplacement à l’alun, je ferai un article sur ce site.

      Je vous souhaite une bonne journée !

      1. Bonjour, Merci pour votre site internet et tout le partage de connaissance !
        C’est très généreux !
        J’aimerais fabriquer De l’aquarelle et gouache, ou puis je acheter les produits type, alun, gomme arabique, blanc de meudon…
        Merci et très bonne journée à vous

        1. Bonjour,

          Il est parfois possible de trouver ces produits dans des drogueries.
          Le blanc de Meudon est très facile à se procurer. Vous le trouverez en supermarché, au rayon “entretien”, ou en magasin de bricolage.
          La gomme arabique, étant parfois utilisée en cuisine au Sénégal et en Afrique du Nord, peut parfois être disponible dans des épiceries spécialisées.
          L’alun est sans doute le plus difficile à trouver sans passer par internet. S’il n’y en a pas dans une droguerie, je vous conseille de chercher en ligne.

          Vous trouverez tous ces produits sur des sites tels que :
          https://couleur-garance.com
          https://www.ocres-de-france.com/fr

          Je vous souhaite une très bonne journée et j’espère que ma réponse vous sera utile !

  2. Bonjour, Merci pour votre réponse ! J’ai presque tout trouvé ! Pour l’alun j’ai utilisé de la pierre d’alun que j’ai broyé. Malheureusement tous les essais ont été des échecs… il n’y a pas eu de réaction chimique quand j’ai mis les cristaux de soude . J’ai essayé avec du raisin d’amerique que j’ai préparé, du jus d’aulnes et jus d’hibiscus qui me restaient d’anciennes cuisson… Je suis un peu dépitée… je vais essayer de trouver de l’alun en poudre et réessayer…
    Très bonne fin de journée

    1. Bonjour,

      Effectivement, c’est étrange. Normalement, l’alun réagit au contact du carbonate de sodium (cristaux de soude) ou du carbonate de calcium (blanc de Meudon). Comme vous le dites, il est possible que cela provienne de la pierre d’alun, qui n’est pas pure. En tout cas, il ne faut pas se décourager. Si vous avez la possibilité de retenter l’expérience avec de l’alun de potasse (ou du sulfate d’aluminium), il n’y a pas de raison que cela ne fonctionne pas.

      Bonne soirée

  3. Bonjour, Merci pour vos encouragements ! Je vais essayer du coup avec du sulfate d’aluminium, plus facile à trouver. Je vous dirais si j’ai réussi.
    Très bonne après-midi à vous.

  4. bonjour,
    un grand merci à vous pour toutes ces fiches, je me suis récemment intéressée à la fabrication d’aquarelles végétales je trouve cela passionnant mais finalement il n’y a pas énormément de ressources (ou alors je ne trouva pas!!). En tous cas en combinant votre rectte de pigment et celle de l’aquarelle cela fonctionne très bien. J’ai également regardé pas mal de ressources liées à la teinture et souvent j’ai noté qu’ils arrivent à obtenir d’autres coloris en ajoutant du bicarbonate, du citron, du fer… Pensez-vous que cela puisse fonctionner également pour le pigment (sachant que l’on ajoute l’alun pour fixer)? j’ai fait un petit test qui me semble mitigé…
    bonne journée
    orélie

    1. Bonjour Orélie,

      Bienvenue dans le monde des couleurs végétales ! Je suis content que mes fiches vous aient été utiles pour créer vos aquarelles avec des pigments naturels.

      Il est tout à fait possible de modifier les couleurs des pigments en utilisant divers ingrédients. Vous pouvez ajouter un peu de fer, de citron, etc., dans votre colorant avec l’alun. Il faut faire des expériences pour ajuster les quantités, car tout dépend des végétaux et des couleurs souhaitées. Le fer assombrit les couleurs, mais il a l’avantage de les rendre plus résistantes aux UV. L’acide citrique peut également faire changer certaines couleurs, ce qui est particulièrement visible avec celles obtenues à partir d’hibiscus ou de vigne vierge, par exemple.

      Si vous cherchez à vous passer de l’alun, il est possible d’obtenir des pigments en le remplaçant par du sel d’oseille (acide oxalique), que l’on trouve dans les grandes surfaces au rayon ménager. Ce dernier permet de précipiter les pigments et d’obtenir des teintes différentes de celles obtenues avec l’alun. Cependant, le sel d’oseille est corrosif, et il vaut mieux éviter de le rejeter dans l’évier.

      Je cherche encore d’autres ingrédients qui me permettraient d’obtenir des pigments sans alun, mais je n’ai pas encore trouvé l’ingrédient magique.

      J’espère que ces explications vous seront utiles !

      Bonne journée.

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En complément de cette recette, vous pouvez également prendre ce cours en ligne qui vous apportera d’autres informations au sujet de la fabrication de pigments laqués!

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